vendredi 24 décembre 2010

Journal de l'Antarctique (suite)

Le 19 décembre :
Nous quittons Paradise Harbour sous une chaleur tropicale : le thermomètre indique +15°C, +16°C ! Nous repartons vers le canal Lemaire et le 65°S. Un aileron immense apparait sur notre gauche. Un groupe d'une dizaine d'orques passe lentement juste derrière nous. Ce n'est pas le moment de tomber à l'eau. Plus loin, Henri aperçoit un gros parre-battage à la dérive, probablement perdu par un ferry. Il sera parfait pour le Brise de Mai ! Tout se passe pour le mieux, nous passons la latitude 65°S sous voiles et les icebergs de l'avant-veille se sont volatilisés. Mais en arrivant devant le canal Lemaire... c'est encore bouché ! Nous ne passerons pas. Cependant les mers sont libres pour contourner l'île Booth. Nous arrivons au mouillage où l'explorateur Charcot a hiverné en 1904. Nous n'irons pas plus loin : le vent se lève et un nuage noir nous poursuit, la glace nous empêche d'avancer plus. Nous mouillons entre deux îles sans nom.

Le 20 décembre :
Les glaces ont été repoussées par le vent de nord pendant la nuit. Nous levons l'ancre pleins d'espoir. Nous avancons, puis peu à peu nous retrouvons l'horizon blanc de la veille. Devant l'île Petermann, au 65°09S, et à 5 milles de Vernadsky, il faut nous rendre à l'évidence : c'est la banquise qui est devant nous, absolument infranchissable. Ce point sera donc celui de notre retour vers le nord. Nous pensons à tout le chemin parcouru jusqu'ici, depuis le 47°N en France. Nous allons mouiller près de l'île Pléneau. Sur le chemin nous avons la chance d'apercevoir des pingouins Adélie, une espèce qui ne niche qu'au sud de cette latitude. Le mouillage indiqué sur notre carte est entouré par la banquise. Nous en trouvons un autre dans une baie bien dégagée. Notre exploration des lieux en annexe se limite à quelques canaux libres de glaces. Nous escaladons l'île Pleneau. D'en haut nous pouvons contempler l'Antarctique tel que nous pouvions le concevoir en rêve ou... en cauchemar. Un chaos de banquise et d'icebergs recouvre entièrement le paysage, tandis que les jeux de lumières donnent un aspect irréel à ce spectacle. Le lieu nous semble plus que jamais sauvage et inadapté à la présence des êtres humains. Nous retournons sur le bateau juste avant une grosse averse de neige. Le soir même, le vent tourne soudainement sud. Nous mettons le moteur et repartons en vitesse, car les glaces commencent déjà à se refermer sur notre mouillage. Le bruit de la glace glissant sur la mer sera un souvenir très fort de l'Antarctique. "Ca fait le bruit des Rice Crispies dans ton bol", dira Henri. C'est avec un certain soulagement que nous repassons vers le nord le 65°S, frontière d'un monde glacé, frontière du possible pour le Brise de Mai.

Le 21 décembre :
Nous arrivons vers 4h00 du matin à Port Lockroy. Evidemment, comme c'est l'équinoxe, il a fait parfaitement jour toute la nuit. Mais ce maudit vent tourne à nouveau, ouest cette fois ci, juste ce qu'il fallait pour faire rentrer la glace dans notre mouillage. Heureusement ca n'a plus rien à voir avec le 65°S. Nous repartons quand même vers 15h00, profitant du vent d'ouest pour remonter au nord. Notre prochaine escale sera la dernière en Antarctique. Nous posons notre regard une dernière fois sur le détroit de Gerlache, qui est soudainement englouti dans notre sillage par une averse de neige. Il ne fait pas très chaud mais la mer est de moins en moins pavée d'icebergs. En arrivant devant Melchior c'est avec stupeur que nous voyons s'étaler devant nous une mer complètement libre de toute glace. Nous arrivons vers 23h00, pour un repos très attendu.

Le 22 décembre :
Nous rencontrons un autre voilier, qui vient de Nouvelle-Zélande. Nous parlons de leurs escales préférées dans le Pacifique : Vanuatu, Îles Salomon, Papouasie... Nous avons déjà la tête ailleurs. Mais chaque chose en son temps : il faut déjà fêter Noël, traverser le Drake, s'habituer à l'absence d'icebergs, et regagner quelques degrés en Terre de Feu.

Jean-Baptiste

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