vendredi 20 mai 2011

Te mana o te moana

Fakarava est un spot de plongée connu mondialement. Nous ne le savions pas en arrivant ce jour-là par la passe sud de cet atoll. Nous jetons l'ancre juste devant quelques maisons et bungalows touristiques. Ca fait un peu carte postale. Nous repérons les lieux, et constatons que la plongée sous-marine est la principale activité ici. Nous retournons nous armer sur le bateau, puis faisons hurler le moteur de l'annexe pour atteindre la passe contre les courants entrants - on nous avait donné ce conseil utile : ne jamais plonger dans la passe par courant sortant. Au moment de se lancer, hésitations et remises en question apparaissent dans l'équipage. En effet, nous sommes encore jeunes, voulons encore vivre quelques années, etc. Finalement Jean-Marie et moi nous lançons dans un soubresaut d'inconscience. On regarde à travers nos masques : rien. Mais il n'y a rien, s'écrie Jean-Marie ! Pour m'en assurer je plonge vers les profondeurs. Je remonte : si, si il y a quelque chose. Ils arrivent. 7 ou 8 requins commencent à tournoyer en cercle autour de nous. Nous craignons le pire. Certains viennent vers nous... heureusement, à 2 mètres du moment fatal, ils bifurquent pour nous éviter. Que de sensations fortes ! Mais bientôt le courant nous emmène trop loin, nous remontons sur l'annexe et allons vers le milieu de la passe. Je plonge à nouveau avec Anaïs. Nous sommes sur le bord de la passe, ou la barrière de corail s'ouvre pour atteindre plus de 15 mètres de profondeur. Nous nous immergeons dans un aquarium géant, et même mieux. Nous n'avions jamais vu ca même dans l'aquarium le plus magnifique. De plus le soleil rend l'eau translucide et nous avons une visibilité incroyable. Le corail forme une pente qui s'enfonce vers les profondeurs, et les poissons sont partout, absolument partout, les formes et les couleurs toujours plus surprenantes et diverses. Les petits poissons bleus alongés qui rasent la surface, la myriade de petits poissons multicolores qui se cachent dans le corail quand on s'approche, les plus gros poissons qui se déplacent en bancs ou se cachent dans les galeries formées par le corail... Nouveau tête à tête avec un requin, cette fois ci il est seul. Anais et moi retenons notre respiration tandis que le requin semble nous foncer dessus, puis, à deux mètres de nous, il bifurque. Nous respirons à nouveau !
Après cette exploration sous-marine miraculeuse, nous repartons pour le village de Fakarava. Nous traversons cet atoll immense, soit 29 milles à slalomer entre les "motu" de corail. Nous tentons diverses explorations : nous arrivons encore en retard à la messe, nous échouons à notre récolte de fruits (il n'y a que des noix de coco), nous ne trouvons pas la plage, nous réussissons à faire du stop au retour, nous sommes déçus dans notre tentative d'explorer la passe nord, mais nous voyons les premières pirogues, et nous faisons une belle récolte de coquillages.
Le lendemain, nous avons la chance d'assister à l'arrivée de pirogues polynésiennes à Fakarava, en provenance de la Nouvelle-Zélande. Il y en a 7, et les équipages comptent 130 personnes. Cela nous rappelle la grande pirogue dessinée en pétroglyphe sur un rocher de l'Île de Paques. Nous allons à leur rencontre en annexe, puis nous assistons à la fête organisée pour leur arrivée : chants polynésiens, ukulele, danse maori (comme les rugbymens), et autres discours et cérémonials.
Mais nous laisserons la fête se poursuivre sans nous. Nous devons repartir vers Tahiti, où nous avons beaucoup à faire. Après deux jours de traversée, l'île se dresse majestueusement devant nous, avec ses 2200 mètres de hauteur, sous un magnifique soleil. C'est la fin du voyage pour certains d'entre nous, pour d'autres il continuera, mais pour nous tous c'est une très belle arrivée, après 4600 milles parcourus depuis Valdivia.

Jean-Baptiste

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lundi 16 mai 2011

Quelques atolls des Tuamotu : Amanu et Tahanea

Le 4 mai à 7h40, nous quittons les Iles Gambier. A 8h00, la pluie battante commence et va rester omniprésente pendant notre traversée de 470 milles vers les Tuamotu. Le vent souffle. Allez en Polynésie, qu'ils disaient ! Le soleil, les cocotiers, qu'ils disaient ! A certains moments la pluie est tellement intense qu'on se croirait pendant une mousson indienne. Seule la température de l'air nous rappelle que nous sommes bien sous les Tropiques. Certains à bord deviennent hypocondriaques alors que nous contournons les atolls de Mururoa et Fangataufa. Les atolls des Tuamotu étaient autrefois surnommés "l'archipel dangereux" : en effet il y a de très nombreux atolls mais jusqu'au dernier moment, nous avons l'impression d'être en haute mer. A quelques milles de notre destination, nous apercevons entre deux vagues le somment des plus grands cocotiers. Très vite nous longeons Amanu, puis nous trouvons la passe d'entrée. Ca remue pas mal, les fonds remontent à toute vitesse, puis le sondeur se perd à cause du courant. Heureusement ca passe ! Nous sommes très heureux d'entrer dans notre premier lagon. Devant nous, le bleu azur.

Suite à un malentendu, nous ratons la messe du dimanche. Nous trouvons des beaux coquillages et Jean-Marie et Baptiste bataillent pour ouvrir les noix de coco. Nous revenons victorieux vers l'annexe, lorsque des "rae raes" (prononcer "réré") nous abordent : c'est la fille (ou le garçon) du maire du village, qui nous invite à "boire un verre". Arrivés à sa maison, nous sommes accueillis par de nombreux habitants ainsi que nos hôtes les rae rae Gaston et Françoise. Nous nous rendons vite compte que le débit de boissons est ouvert : la Hinano coule à flot (bière tahitienne). Baptiste et Jean-Marie goûtent un nectar local à base de levure et de vinaigre blanc. S'ensuit un aller-retour à notre bateau, et pour finir, nous sommes invités à manger chez Gaston et Françoise. Nous rentrons épuisés : la soirée a commencé à 10h30 pour finir à 21h00 passées.

- Oui, car il faut savoir qu'on vit tôt dans les Tuamotu : le soleil se lève vers 5h45 et se couche vers 17h15. Donc nous petit-déjeunons vers 6h30, dejeunons vers 11h30, dinons à 19h00 au plus tard. D'habitude à 20h30, tout le monde est couché. -

Je passe sur certains détails, mais je dirais que cette escale à Amanu et nos divers contacts avec les habitants auront réveillé en nous des sentiments très divers et très forts, qui resteront pour nous des souvenirs marquants.

C'est encore étourdis de cette première expérience que nous repartons pour Tahanea, que nous atteignons en moins d'un jour et demi. Cette fois ci nous trouvons un atoll désertique, il n'y a pas âme qui vive. Sous l'eau, ca fourmille. Jean-Marie et Baptiste se font peur lors d'un premier tête à tête "surprise" avec un requin. Le temps de relativiser un peu, puis nous apercevons d'autres requins depuis le bord. "Finalement ils sont petits". Jean-Marie attire les requins, et en le collant je finis par en voir un aussi, qui commence à nous tourner autour. Les fonds marins sont superbes, nous sommes comblés. Comme le dit si bien le guide du Petit Futé : " Il suffit de mettre la tête sous l'eau, pour voir des milliers de poissons multicolores aux noms rigolos, etc, etc." L'eau est claire comme de l'eau de roche, nous avons l'impression de survoler les fonds sous-marins. Même Anaïs va quand même se baigner, malgré la présence des requins.

Forts de ces deux expériences très différentes, Amanu et Tahanea, nous repartons maintenant vers Fakarava, à 50 milles d'ici. Nous attendons la suite avec impatience.

Jean-Baptiste

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dimanche 8 mai 2011

1 an deja !

Voici déjà un an que nous avons largué les amarres et nous profitons de cet anniversaire pour faire un premier bilan.

Un an de navigation à bord du Brise de Mai, ca a été:
- 16 280 milles parcourus, soit 30 150 km*.
- 116 jours** de navigation en cumulé, soit un tiers de notre temps.
- 97 nuits passées au large, soit plus d'une nuit sur 4.

En matière de performances, le Brise de Mai n'a pas chômé:
- record de vitesse: 178 milles parcourus en 24h au Brésil, soit une moyenne de 7,4 noeuds (13,7km/h)
- record de galère: 33 milles en 24h lors de la Trans'Atlantique. 60km en une journée, c'était pas fameux !
- record de vitesse du vent en navigation: 67 noeuds de vent contre nous dans le Beagle, avec la trinquette*** qui se déroule toute seule, ca n'a pas été de tout repos !
- record de vitesse du vent au mouillage: au cap Horn bien sûr ! La station météo a enregistré une rafale à 260 km/h. On espère bien ne plus rencontrer ce genre de conditions !

Mais ce voyage n'est pas uniquement une question de performances. Le but est aussi de découvrir la planète, et nous avons été très heureux d'explorer les 128 escales que nous avons visitées. Nous avons maintenant 12 heures de décalage horaire avec la France, ce qui laisse présumer que la moitié de la planète a été parcourue.

Nous sommes également très heureux que 25 personnes soient venues partager cette aventure avec nous. Un grand merci pour votre soutien et enthousiasme à bord. Merci également à ceux qui nous suivent et nous soutiennent via les mails ou le blog (plus de 7000 visites depuis son lancement).

A présent, nous avons bien mérité une coupe de champagne pour fêter cet anniversaire et trinquons pour que cette deuxième année à bord du Brise de Mai soit aussi enrichissante et heureuse que la première.

Anaïs et Jean-Baptiste


Merci à nos 25 équipiers (mai 2010 - mai 2011):
Gilles - Ghislain - Cyril - Joelle - Charles - Karine - Didier - Valérian - Alice - Stefan - Jean-Marie - Séverine - Brice - Chloé - Martin - Mathieu - Anne-Laure - Camille - Henri - Béatrice - Eric - Marie - Pierrick - Baptiste - Jean-Marie.


*1 mille = 1,852 km / 1 noeud = 1,852 km/h
**journée de 24h
***petite voile à l'avant du bateau

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lundi 2 mai 2011

Bienvenue en Polynésie !

Le 25 avril, nous sommes prêts, le vent se lève, nous quittons Pitcairn. La traversée vers les Gambiers doit durer 2 jours. Bien que courte, elle nous est très pénible: le repos à Pitcairn a été trop court et le vent souffle fort et lève les vagues qui malmènent notre safran et nous inquiètent.
Mercredi matin, nous distinguons quelques îles. Les Gambiers sont un ensemble d'îles entouré par une barrière de corail en forme de losange. Nous entrons et arrivons sous un énorme nuage noir qui lève le vent et fait passer les vagues par-dessus bord. Heureusement que l'eau est à plus de 25°C !
Enfin, nous arrivons au mouillage devant le village de Rikita, sur l'île Mangareva et miracle ! malgré un vent à décorner les boeufs, le bassin est calme. Nous n'avions pas rencontré cette situation depuis Valdivia ! Certains se sont réveillés dans la nuit sans savoir où ils étaient.
L'autre changement est que nous avons une quinzaine de bateaux voisins. L'un d'eux nous accueille en nous disant que nous arrivons le jour où la météo est la plus pourrie depuis 8 mois; on est content ! Mais la pluie s'arrête rapidement et nous pouvons descendre à terre et découvrir le village. Nous sommes accueillis avec des "bonjour" dans la rue et les enfants demandent nos prénoms. Entendre parler français dans la rue nous interpelle. Des petites maisons en plein-pied longent la route au bord de la côte.
Ce lieu est reposant et ça tombe bien !
Nous tentons d'obtenir du pain, alors on nous informe "il faut y être à 16h". Et ce n'est pas les cloches de l'église que nous entendons à 16h, mais un défilé de 4x4, scooters, vélos et mêmes joggers qui se dirigent tous vers la seule boulangerie de l'île. Nous arrivons à 16h08, plus de pain ! Nous n'avons plus qu'à réserver pour le lendemain.
"- Matin ou soir?
- C'est quelle heure le matin?
- Cinq heures
- Et bien après-midi alors !"
Eh oui, car les habitants ici se lèvent tôt ! Le soleil se lève à 6h le matin et bon nombre de magasins sont déjà ouverts à cette heure-ci. Un grand changement comparé à l'île de Paques où les soirées commencaient entre minuit et 2h ! Dur, dur de suivre pour nous ! Ici, on ne sort pas le samedi car il faut être en forme pour la messe le dimanche matin, qui est un vrai rassemblement de toute l'île et où l'on chante avec grand enthousiasme.
Le paysage se décline essentiellement en deux couleurs, le bleu turquoise de la mer et le vert de la végétation qui est très abondante ici. Tout pousse ici, et il nous suffit de tendre le bras en cas de petit creux, et nous pouvons nous régaler de bananes, pamplemousses, citrons, mangues, noix de coco, arbre à pain et goyaves. Et les locaux nous donnent généreusement les fruits de leurs jardins en nous invitant à goûter le café (produit à partir des grains du jardin). Un vrai paradis pour les amateurs de fruits !
Nous voilà maintenant bien chargés en fruits mais la météo n'est pas encourageante pour partir vers les autres îles des Tuamotu, ce qui nous donne quelques jours supplémentaires pour explorer les Gambiers, papoter avec nos voisins et nous reposer un peu plus.

Anaïs

Pitcairn

Le 13 avril, nous croyons faire nos derniers pas sur l'île de Paques. C'était sans compter sur les imprévus de dernière minute. L'alarme de batterie faible sonne le soir même, alors que nous avons eu du soleil toute la journée. Il nous faut des batteries neuves. Nous bravons les rouleaux de Hanga Roa pour descendre à terre. Les surfers nous regardent avec de grands yeux, nous faisons un bon surf. Malheureusement les batteries ne seront prêtent que dans 2 heures. Nous retournons au bateau faire les formalités, car les fonctionnaires viennent nous voir à bord. Dans les rouleaux, nous faisons des bonds assez spectaculaires de loin je pense. Vers 11h30, nous voulons donc aller chercher nos batteries. Et cette fois-ci, nous faisons un surf absolument impressionnant avec Jean Marie, l'annexe vole littéralement devant le rouleau qui se fracasse, le moteur s'emballe. Au retour, c'est mission impossible, les rouleaux font un bon mètre, plus par moments, et à l'extérieur de l'étroit chenal ce sont des rouleaux dignes de Hawaï. Les surfers sont en foule et s'en donnent à coeur joie. Nous faisons une première tentative presque deséspérée, mais un rouleau arrive, nous faisons demi tour, nous sommes trempés. Heureusement pour nous, quelques sympathiques pascuans nous regardent depuis la digue et nous aident par des signes : "attendez...allez y... non, non, revenez ! attendez... encore une... non ... (10 minutes plus tard)... go !!! Juste après une série fracassante, d'un coup un calme plat ! Nous décidons de faire aveuglément confiance en nos guides, et nous fonçons. Nous arrivons victorieusement au bateau.


La traversée vers Pitcairn a été sans histoires ou presque : très peu de vent, beaucoup de moteur. Le spi de nuit (mauvaise idée) m'a valu de monter au mât le lendemain matin. La pêche n'a pas du tout été frucuteuse puisque nous avons perdu 2 lignes. Nous avons du jeter des vivres périmées dans lesquelles nous placions beaucoup d'espoir : 3 kilos de viande, 1 pastèque... Rien de grave. Nous n'étions plus habitués à cette chaleur, nos produits frais souffrent. Après 9 jours de traversée, 2000 kilomètres, 3 heures de décallage horaire, nous voyons enfin le minuscule bout de caillou à l'horizon : Pitcairn, le plus petit pays du monde avec ses 40 habitants, descendants de tahitiennes et des révoltés du Bounty (un seul en fait, le seul survivant après qu'ils se soient entre-tués). Ca parle anglais (satanés anglais, ils sont partout). L'accueil est très enthousiaste, les locaux ont l'air heureux de nous voir et nous aussi (en plus ca nous fait un tampon supplémentaire dans le passeport). On nous délivre un parchemin entouré d'une grande feuille, contenant le plan de l'île. Nous ne voyons pas où est le butin, mais nous parvenons à explorer la dense végétation de l'île, sur les traces des mutins du Bounty. Nous faisons en cours de route une récolte miraculeuse de fruits : oranges, noix de cocos, grenades, bananes. C'est un petit paradis terrestre, dans un écrin de verdure. Nous comprenons pourquoi tout le monde a un quad ici : ca monte à pic ! Aucune plage, c'est la falaise tout autour, les chemins montent et descendent. L'îlot qui nous semblait minuscule de loin ne nous paraît plus si petit, tout bien pensé. Ce sera une visite éclair cependant. Nous devons repartir le lendemain déjà, car le calme va être interrompu par l'arrivée d'une dépression, mettant en danger notre mouillage précaire, ouvert au large.

Jean-Baptiste